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Ghetto

Le terme « ghetto » est probablement une corruption de « gietto » (fonderie) et semble avoir désigné primitivement le quartier des fonderies de canon de Venise où les Juifs étaient relégués au XVIe siècle. En terre d’Islam, où le statut des populations non musulmanes était régi par la charte d’Omar (milieu du VII• siècle) les Juifs ont été relégués dans le mellah (Maroc), la hara (Tunisie), le mahalé (Perse) ...

Le quartier juif existait en Chrétienté depuis le haut Moyen Âge (d’où les « juiveries » et les « juderias » de France et d’Espagne), mais la ségrégation forcée sera consécutive au IVe concile de Latran (1215). Le but étant d’éviter que les Chrétiens aient des rapports avec les Juifs (comme avec les Sarrazins), en attendant la conversion de ces derniers. Le XIII" siècle marque le passage du quartier librement habité au quartier réservé. En France, les seuls ghettos ont été ceux des États pontificaux (les Juifs étant exclus du Royaume de France depuis Philippe le Bel).

Le ghetto se caractérisait par la surpopulation dans un quartier entouré de murailles, étroit et insalubre, dont les entrées étaient fermées la nuit et aussi les jours de fête chrétienne. Il était soumis à une législation variable suivant l’État ou le prince : horaires de sortie du ghetto, hauteur des maisons, nombre de synagogues, abolition du droit de propriété, obligation des porter des vêtements distinctifs ou la rouelle, restrictions à l’activité économique, humiliation publique des représentants de la communauté à certaines occasions, voire enlèvement d’enfants en vue de leur conversion...

A Rome en particulier, où le ghetto, sis dans le quartier le plus mal famé et le plus insalubre, était soumis à l’autorité du Pape. Les convertisseurs fréquentaient régulièrement la synagogue pour y faire des prêches. La précarité de la vie, aggravée en cas de crise ou de caprice du pouvoir, était ponctuée d’expulsions, de pillages, de viols et de massacres.

Les Juifs du ghetto ont cependant organisé la vie communautaire, ainsi qu’en témoignent les milliers de décrets qui ont pu être retrouvés dans des registres : assemblées de représentants, tribunaux, système d’imposition, voirie, secours aux pauvres, entretien des personnes âgées, écoles élémentaires et académies talmudiques, guildes de métiers, sociétés d’entraide, et aussi organisation de spectacles pour les fêtes. Dans une existence fondée sur l’humiliation, le ghetto a réussi à être aussi un microcosme de civilisation.

L’Émancipation, votée par l’Assemblée Constituante (septembre 1791), a été suivie de l’ouverture des ghettos. En pays arabes, il faudra attendre la création de l’Alliance Israélite Universelle (1860) pour intégrer les Juifs à la vie de la nation.

Sous le nazisme, le système médiéval a été rétabli (avec le ghetto de Lódz, en avril 1940), selon les mêmes principes, et avec la même réaction des organisations juives qu’au Moyen Âge. Mais de même que le ghetto nazi n’a été qu’une étape de « la solution finale de la question juive », où pillages, massacres et expulsions préludaient à l’extermina­tion de masse, de même la révolte armée dans certains ghettos (celui de Varsovie en particulier - avril 1943) a été sans précédent.

A.-M. D.