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Jean-Paul II, le Pape de l’approfondissement

Source : site du Vatican, photo d’écran

Editorial du mois d’avril 2025
Jean-Dominique Durand, Président de l’AJCF

Le 2 avril 2005, il y a vingt ans, le pape Jean-Paul II s’éteignait. Son long pontificat de plus de 26 ans a marqué profondément l’Église catholique mais pas seulement. Il ne s’agit pas ici de retracer son action déterminée dans de nombreux domaines. Je me contente, en forme d’hommage, de rappeler ce qu’il a dit et fait pour développer et approfondir la Déclaration conciliaire Nostra Aetate, pour la faire vivre concrètement. Ce texte majeur du Concile était pour le cardinal Karol Wojtyla qui faisait partie des Pères conciliaires, un point de départ.

Il est dans l’histoire, sans aucun doute l’un des évêques et le pape le plus sensible au judaïsme qu’il connaissait quasiment de l’intérieur. Il était né à Wadowice, petite ville de Galicie, où, en 1939, le quart de la population était juive. En 1945, il n’y avait plus qu’une dizaine de survivants, et les quatre synagogues avaient été détruites. L’un de ses plus chers amis était Jerzy Klüger, le fils du président de la Communauté juive. Prêtre du diocèse de Cracovie, puis archevêque, il rendait souvent à Auschwitz-Birkenau. La Shoah était pour lui un tourment. Tout au long de son pontificat, il a multiplié les déclarations et les gestes symboliques pour rapprocher les juifs et les chrétiens (1), dès son élection au trône pontifical. Le 17 novembre 1980, il déclara à la Communauté juive de Mayence, dans la synagogue :
« La première dimension de ce dialogue, c’est-à-dire la rencontre entre le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, une Alliance qui n’a jamais été dénoncée par Dieu (Rm 11, 29), et le peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, est en même temps un dialogue intérieur à notre Église, s’établissant pour ainsi dire entre la première et la deuxième partie de la Bible. »

Cette déclaration que l’on peut qualifier de révolutionnaire au regard de la théologie de la substitution qui a empoisonné pendant des siècles les relations entre les juifs et les chrétiens tout autant que l’accusation de déicide portée contre les juifs, fut suivie en 1984 par la lettre apostolique Redemptionis anno, publiée le jour du Vendredi Saint, qui annonçait une approche nouvelle vis-à-vis de l’État d’Israël :
« Sur le peuple juif, qui vit dans l’État d’Israël et qui, sur cette terre, conserve des témoignages si précieux de son histoire et de sa foi, nous devons invoquer la sécurité désirée et la juste tranquillité, qui est la prérogative de toute nation et la condition de vie et de progrès pour toute société. »

Cette position fut réaffirmée l’année suivante, dans la Note du 24 juin 1986, Pour une correcte présentation des Juifs et du Judaïsme, qui reconnaissait « l’attachement religieux du peuple juif à la terre des ancêtres, un attachement qui
plonge ses racines dans les traditions bibliques. »

Ainsi était préparée la reconnaissance de l’État d’Israël par le Saint-Siège avec l’Accord fondamental du 30 décembre 1993.

L’approfondissement de Nostra Aetate reçut une nouvelle impulsion avec la visite du Pape à la Grande Synagogue de Rome, que les Romains appellent le Temple, le 13 avril 1986, le voyage le plus court que ce Pape voyageur fit, puisque depuis le Vatican, il eut à franchir moins de quatre kilomètres et le plus long en même temps car il a fallu près de 2.000 ans pour l’accomplir. A cette occasion, ayant à ses côtés le Grand Rabbin Elio Toaff, il montra le lien spirituel qui unit le judaïsme et le christianisme :
« La religion juive ne nous est pas extrinsèque, mais d’une certaine manière, elle est intrinsèque à notre religion. Nous avons donc avec elle des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, nos frères aînés. »

Il est possible de multiplier les citations de Jean-Paul II sur le judaïsme, sur les relations entre juifs et chrétiens, sur la Shoah, sur l’antisémitisme. Elles sont innombrables. Il a constamment souligné le « lien » qui unit le judaïsme et le christianisme, un terme fort, qu’il aimait répéter. On peut rappeler aussi ses gestes forts à Auschwitz-Birkenau, à Yad Vashem, sa prière au Mur occidental du Temple, le Kotel.

Jean-Paul II laisse sur le judaïsme, un héritage théologique décisif. La relation avec les juifs a été pour lui une préoccupation constante. Dans Testament spirituel, signé le 17 mars 2000, deux personnes seulement sont citées : son fidèle secrétaire Stanislaw Dziwisz, et Elio Toaff, le Grand Rabbin de Rome qui l’avait reçu en 1986.

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(1)-Un ouvrage, publié en 2022, a rassemblé en français tous les textes du Pape consacré au judaïsme : Jean-Paul II, Une fraternité renouvelée. L’Église et le judaïsme, Paris, Bayard, Cerf, Mame, 372 p.