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Jacqueline Cuche : situation en Irak et au Proche Orient

Il y a près d’un mois, j’avais signé au nom de l’AJCF un communiqué pour dénoncer et condamner l’antisémitisme qui s’était exprimé avec tant de virulence dans nos rues de France (comme ailleurs en Europe), à l’occasion du conflit entre Israël et le Hamas, et pour exprimer à la communauté juive notre proximité. Ce communiqué, envoyé à différents médias, n’a, à ma connaissance, été reproduit nulle part, sinon, avec un retard involontaire, dans les "news" du CRIF. L’amitié entre juifs et chrétiens n’intéresse pas grand monde... En revanche, ce qui intéresse nos médias, c’est le conflit israélo-palestinien. Il faut reconnaître qu’il a fait de nombreuses victimes et que l’espoir d’une paix prochaine et définitive paraît de plus en plus ténu.


On ne put pas s’empêcher de l’espérer pendant les quelques jours de trêve (une trêve qui fut apparemment respectée, malgré le lancement d’une roquette par le Hamas, mais qu’est-ce à côté des milliers qui se sont abattues sur Israël en deux mois – une centaine par jour ou par nuit, nous écrivaient des amis d’Israël – ?) ; mais le Hamas a repris ses tirs, provoquant les violentes représailles d’Israël. La destruction des habitations, la mort de plusieurs centaines de Palestiniens pris en étau entre les tirs israéliens et le Hamas qui les empêche de gagner des abris (par exemple ces fameux tunnels, qui auraient pu au lieu d’abriter des armements impressionnants permettre que soient épargnées tant de vies !), tous ces malheurs, comme la mort également de dizaines de soldats israéliens, nos médias en ont abondamment parlé, et ils continueront sans doute à donner à ce conflit la première place.

C’est normal, me direz-vous. Eh bien non ! En ce moment se déroule en Irak une tragédie infiniment plus grave. Comme le furent les juifs d’Irak au siècle dernier, ce sont les chrétiens d’Irak qui sont maintenant exterminés ou chassés (et le sort de la petite communauté des Yazidis y est tout aussi dramatique). Cela, nos médias le passent presque sous silence (un peu moins pour les Yazidis) ou ne le disent qu’à demi-mot, comme si c’était peu de chose. Sans doute parce qu’il ne s’agit que de chrétiens… Sans doute aussi, je dois le dire avec tristesse, parce que les juifs n’y sont pas mêlés, parce que les « coupables » ne sont pas des juifs. Je suis en effet persuadée que si des juifs faisaient le centième, que dis-je, le millième des exactions commises par les islamistes, on ne parlerait que de cela.
Non, l’antisémitisme, hélas, n’est pas mort, il est au contraire toujours et de plus en plus présent, même quand c’est de façon dissimulée.

À Rome, où j’ai la chance de me rendre chaque mois avec mon mari, les informations sont tout autres. Celles que nous y avons entendues sur les exactions commises par les jihadistes du Califat sont terrifiantes : enlèvements de centaines de femmes, assassinats de centaines d’enfants, ensevelissements de yazidis enterrés vifs, massacres, décapitations, crucifixions même… Ce ne sont pas des inventions, mais des faits qui se déroulent tous les jours en Irak, depuis près de deux mois et devant l’indifférence ou au mieux, lorsque parfois un mot en est glissé furtivement, l’incrédulité de nos pays occidentaux.

La déclaration, le 12 août, du Cardinal Tauran, Président du Comité pontifical pour le dialogue interreligieux, en a fait pourtant très clairement état. L’assemblée des évêques d’Europe, puis le Maître général de l’Ordre dominicain ont conjuré les États membres de l’ONU d’intervenir afin que soit mis fin à l’extermination et à la purification ethnique des minorités religieuses d’Irak. Mais qui en a entendu parler ? Nos médias semblent n’y avoir fait hélas aucun écho.

Les évêques de France ont appelé tous les catholiques mais aussi leurs amis à des rassemblements de prière, en union avec les chrétiens et autres minorités d’Irak et du Proche Orient. Le Conseil des Églises évangéliques a fait appel à notre solidarité effective. Quant aux amis juifs, ils sont nombreux à nous envoyer des témoignages de sympathie et à exprimer leur grande tristesse devant ce que subissent ces minorités chrétiennes. Les exactions commises par les jihadistes n’ont hélas rien à envier à la barbarie nazie...

Dès réception de l’appel adressé par le pape François aux chefs religieux musulmans, deux parmi les plus grandes sommités de l’islam ont condamné fermement et sans ambiguïté les crimes odieux commis par les islamistes, crimes d’autant plus odieux qu’ils sont commis au nom de Dieu. Des imams et des communautés musulmanes ont dit leur solidarité avec les chrétiens d’Irak. Ce sont ces voix-là qu’il faut faire entendre, pour lutter contre l’horrible masque que les terroristes font porter à l’islam.
Gardons-nous en effet de toute islamophobie. Ne laissons pas à la haine le dernier mot ! Les musulmans, comme le rappelait notre dernier communiqué, sont nos frères devant Dieu. Mais ce n’est certainement pas en masquant la vérité, en dissimulant les horreurs commises par ceux qui disent agir au nom de l’Islam que nous servirons et ferons grandir cette fraternité. Cela, nos médias – français notamment – ne l’ont manifestement pas encore vraiment compris. Rappelons-nous le psaume : « Amour et vérité se rencontrent, Justice et paix s’embrassent » (Ps 85/84, 11). La paix ne peut être construite sur le mensonge ou l’occultation de la vérité.

Notre impuissance est grande, hélas, et nous plonge dans le désarroi. Au moins pouvons-nous faire connaître autour de nous ce que nos médias n’osent ou ne veulent nous dire et nous efforcer de toujours, quant à nous, tenir un langage de vérité.
C’est à quoi la Torah et l’Évangile ne cessent de nous inviter.

Jacqueline Cuche, Présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, le 21 aout 2014

Rappel : Communiqué de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France du 24 juillet 2014