Ce fort volume veut honorer la mémoire de Jonathan, en rassemblant les nombreux commentaires (parfois plusieurs pour une même paracha ou fête) qu’il donna régulièrement à la revue juive orthodoxe francophone de Jérusalem, Kountrass, au fil de l’Année juive.
Et l’on est émerveillé, pour un jeune rabbin d’une trentaine d’années, par son érudition, mais aussi par son souci pédagogique évident, son amour de la Torah, et le soin apporté à la langue française, dans sa clarté et sa précision. Nous ne pouvons évidemment détailler la richesse de ces commentaires, mais plutôt souligner qu’ils sont tous portés par une lecture éthique qui se manifeste également par les auteurs cités et travaillés comme autant d’appuis. L’école lituanienne du Moussar est très présente avec de hautes figures comme celle du Rav E. E. Dessler (1892-1953), ainsi que par les classiques étudiés dans cette école, Bahya ibn Paqûda (deuxième moitié du XIème siècle, Espagne) avec son célèbre traité sur Les devoirs des cœurs (Hovot HaLevavot), Rabbi Moshé Hayyim Luzzatto (1707-1746, Italie) et son Sentier de Rectitude (Messilat Yesharim), et l’insistance sur le travail sur soi-même à travers les midoth (traits de caractère) (cf. p. 196).
A plusieurs reprises, Rav J. Sandler fait appel à la notion de crainte de Dieu (Yirat Shamayim) qui doit être au principe de toute civilisation, de toute culture (sinon, même une civilisation aussi raffinée et cultivée que l’Allemagne peut sombrer dans les atrocités les plus absolues...). Et Rav J. Sandler de conclure : « Abraham nous dévoile que c’est par la crainte de Dieu que nous pouvons, de la manière la plus fiable, nous assurer de marcher dans le droit chemin » (p. 62).
En contraste, J. Sandler décrit l’effet dévastateur du lachon hara’ (médisance) : « Le lachon hara’ correspond au côté obscur de la parole, c’est l’utilisation destructrice du langage. L’impact du mal est si fort que celui qui profère de tels propos s’en trouve, dans une certaine mesure, rendu étranger au bien. D’où l’appellation lachon hara’ (littéralement mauvaise langue), le mal est mis en évidence afin de souligner l’ampleur des dommages qu’il crée sur l’âme humaine » (pp. 201-202).
Il y avait en lui, - et ce fut tout le sens de sa courte existence, notamment de sa mission à l’école Ozar HaTorah à Toulouse, mais aussi à Bordeaux, sans parler de ses séjours à Jérusalem – l’absolue nécessité de transmettre la Torah avec l’amour du prochain : « Pourrait-on envisager une Torah qui ne rimerait pas avec la bonté ? Le Talmud répond que si quelqu’un étudie la Torah sans chercher à la transmettre, son étude ne peut entrer dans le cadre de l’appellation Torath ’hessed. Ainsi une dimension intrinsèque de l’étude de la Torah, c’est le souci de l’autre » (p. 172).
Plutôt que de restituer les commentaires et raisonnements talmudiques (le lecteur fera de cet ouvrage un objet d’étude), nommons un certain nombre de thèmes révélateurs de ses préoccupations les plus essentielles : la pudeur, la prohibition du vol, la fidélité, le Derekh eretz qui conduit au respect de son prochain (cf. pp. 119-120), à l’amour du prochain (cf. son commentaire de la paracha Qedoshim sur Lv 19, 18) (pp. 212-215), toutes qualités que la famille, les amis et disciples de Jonathan Sandler s’accordaient à reconnaître pleinement présentes en lui-même.
Les nombreux témoignages qui figurent au début de ces écrits en guise de préfaces, et les Hespédim [Oraisons funèbres] en fin d’ouvrage, sont particulièrement éloquents à cet égard. Citons, pour conclure, les propos de son beau-père, Victor Haïm Alloul, qui dresse « les thèmes récurrents qui apparaissent tout au long de ses écrits : l’amour de Dieu et de Son service, l’amour d’autrui – qui lui permit d’ailleurs de rapprocher du Tout Puissant ceux qui s’en étaient éloignés – mais aussi un amour sincère pour toute l’humanité puisque créée à l’image de Dieu » (p. 14).
Bruno Charmet , directeur de l’AJCF
Paru dans Sens N°377 – Mars 2013 – Juifs et Chrétiens, différents et complémentaires
Rav Jonathan SANDLER : Pour plus de lumière - Compilation de commentaires sur les parachioth et les fêtes
Éd. Kountrass, Jérusalem, 2012, 448 p., 25 €