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L’affaire Finaly au Pays Basque, par Jean-Claude Larronde

Éditions Elkar, Bayonne, 2015, 277 p.

Jean-Claude Larronde, docteur en droit, avocat honoraire au barreau de Bayonne, reprend l’histoire de l’affaire Finaly qui a marqué un temps fort et dramatique des relations judéo chrétiennes en France. Il connaît bien et utilise à bon escient les ouvrages parus récemment sur cette délicate question en 2006, Les enfants cachés l’affaire Finaly de Catherine Poujol et Les deux orphelins, L’affaire Finaly de Gemain Latour, et bien d’autres sources.

J-C Larronde suit la chronologie de Catherine Poujol et, tout en rappelant le déroulé mouvementé des faits connus, il se propose d’éclairer la période basque de l’affaire, entre fin janvier et fin juin 1953, qui est souvent décrite comme une zone d’ombre.
Les cinq premiers chapitres font le point sur les premières démarches de la famille Finaly dès 1945, les débuts de l’affaire judiciaire, en soulignant « la personnalité ambiguë de Mademoiselle Brun » et « le rôle fondamental de Mère Antonine à Grenoble et à Bayonne ».
Les cinq chapitres suivants constituent le cœur du livre : les étapes du séjour agité des enfants au pays Basque, en France pendant que se prépare leur passage en Espagne, puis l’accueil au couvent de Lazkao où le prieur Mauro Elizondo prend en main leur situation et les met en sécurité dans deux lieux séparés. L’auteur décrypte les débats et contacts que suscite cette affaire, en France et en Espagne, dans le monde politique et religieux
Enfin les derniers chapitres traitent du retour de Robert et Gérald Finaly : « les efforts désordonnés » de Germaine Ribière, l’émissaire du cardinal Gerlier, les quelques résistances et le revirement des milieux basques, le suivi de l’affaire jusqu’au départ en Israël.

Il est intéressant de suivre au long de ce récit les débats dans la presse locale basque et parmi les principaux protagonistes. L’auteur insiste à plusieurs reprises sur la position des prêtres qui sont intervenus : pour lui, ces membres du clergé basque sont nationalistes, mais ils le sont à la façon française dans le sillage de Maurras, ils vivent un christianisme traditionnel, marqué par une grande soumission aux décisions de Rome. Cette analyse correspond bien à leur revirement rapide, à partir du moment où ils ont la certitude qu’il s’agit d’un ordre venant des plus hautes autorités de l’Église.
En ce qui concerne les tractations politiques, Jean-Claude Larronde expose avec beaucoup de soin les allées et venues entre les autorités basques et les représentants des gouvernements et de l’Église, il insiste sur le double jeu subtil d’un certain nombre de responsables.

Dans cet imbroglio, l’auteur met à part un personnage remarquable (voir en particulier le chapitre 9), qui domine la situation depuis que les enfants Finaly sont en Espagne. C’est lui qui prend les décisions qui lui paraissent sauvegarder le plus possible la vie de ces jeunes. Il s’agit de Mauro Elizondo, moine bénédictin de l’Abbaye de Belloc, qui réside au monastère de Lazkao en Gipuzkoa depuis 1940.
Jean-Claude Larronde utilise son Journal, qui constitue une source essentielle pour comprendre le rôle central que joue ce moine entre les différents protagonistes.

Cet éclairage des faits donne ainsi une toute autre place à l’action de Mgr Gerlier et de Germaine Ribière, particulièrement surévaluée au moment du dénouement. Dans ce contexte, il montre l’imprudence de certains acteurs, principalement de Mère Antonine, la supérieure de Grenoble.
De même en soulignant les rapports de Mauro Elizondo avec les autorités du gouvernement basque en exil, il révèle la stratégie subtile qui a permis le retour des enfants.

Ce livre, accompagné d’annexes -des notes biographiques très riches, et deux documents clés- complète très utilement la bibliographie récente de l’affaire Finaly.
Il retient l’attention du lecteur par une écriture facile et par sa précision.

Voir sur le sujet dans Sens des articles qui complètent cette lecture : Madeleine Comte la recension concernant Les enfants cachés l’affaire Finaly de Catherine Poujol (Sens, n°1-2007, p. 54-62), et son article, L’affaire Finaly 1945-1953, suivi d’une chronologie écrit à l’occasion d’un téléfilm diffusé en 2008 (Sens n°4-2009, p. 211-227) ; Francis Kaplan Le rôle du Grand Rabbin Kaplan dans l’affaire Finaly (Sens 4-2009, p. 228-234).

Paule Marx