Notre engagement se place sur un plan spirituel, théologique, et éthique, et n’appartenant pas au courant des chrétiens sionistes, nous restons volontairement sur la réserve quand il est question de la politique de l’Etat d’Israël. Mais nous aimons ce pays, nous comprenons le lien profond qui unit nos amis juifs à cette terre, nous respectons sa démocratie qui permet, comme toutes les vraies démocraties, l’exercice de la liberté d’expression et la critique d’un gouvernement par les citoyens. Par ailleurs nous ressentons vivement les drames humains liés au conflit israélo-palestinien, nous entendons la plainte de nombreux palestiniens, notamment chrétiens, mais c’est le plus souvent aux côtés d’amis juifs que nous parvenons le mieux à saisir la complexité de la situation et l’absurdité d’une souffrance qui pourrait prendre fin par la diplomatie et la reconnaissance mutuelle des deux peuples vivant chacun dans son Etat.
Aujourd’hui plus que jamais, après l’épisode de la flotille turque et des neuf morts du Mavi Marmara que nous déplorons, nous sommes scandalisés par le regain des clichés antisionistes, les manifestations violentes de ceux qui refusent de prononcer le nom d’Israël, la déprogrammation de films israéliens dans certains cinémas, la multiplication des actes antisémites, … et couronnant le tout une sorte de prophétie rétributive annonçant que tous les malheurs présents et à venir d’Israël auront été bien mérités mérités et que la disparition d’Israël réglerait tous les problèmes ! Ce qui nous effraie particulièrement, c’est de sentir, dans ce déchaînement, la force d’une certitude sans cesse alimentée par une haine dénonciatrice. Si bien qu’aucune information, aucune nuance, aucun appel à la modération ne semblent avoir la moindre chance de se faire entendre. Et que ressort-il pour les palestiniens d’un tel soutien ? Non pas d’être compris, défendus, aidés mais d’être encore une fois transformés en cause idéologique.
Nous ne sommes ni des géopoliticiens ni des moralistes pour donner quelque leçon que ce soit. Il nous semble simplement indispensable d’inviter chacun à interroger ses propres opinions, à vérifier la véracité des informations dont il dispose, et à examiner les motivations profondes de son parti-pris dans ce conflit. Pourquoi une telle focalisation sur Israël ? Attention que ce ne soit pas, plutôt que le réel souhait d’un avenir pour le peuple palestinien, le sombre désir de communier dans la haine du bouc émissaire ! Il y a une étrange et dangereuse jouissance dans la haine, un plaisir morbide dans la parole qui dénonce, calomnie, et finit par tuer. Les juifs en ont souffert affreusement tout au long de leur histoire. Il est difficile de ne pas voir le même processus à l’œuvre aujourd’hui contre Israël, non seulement comme Etat mais comme nom. Or Internet a multiplié à l’infini les pouvoirs de communication, et donc la possibilité de propager la haine à une rapidité fulgurante.
Ceci demande à tous les utilisateurs une vigilance accrue. Ne soyons ni les relais, ni les esclaves des œuvres de haine dont la dénonciation constante d’Israël apparaît comme un archétype. Car à ce compte-là, nous entrerons vite dans une nouvelle ère, abyssale, celle de la guerre de tous contre tous.
Florence Taubmann, présidente de l’Amitié judéo-chrétienne de France
Bruno Charmet, directeur de l’Amitié judéo-chrétienne de France