Le coup de froid de ces derniers jours est peu de chose en comparaison de celui qui souffle sur l’Amitié Judéo-Chrétienne après l’élévation par Benoît XVI de Pie XII au titre de « vénérable ». La porte est ouverte pour un projet de béatification. Et, sans doute pour mieux le faire passer, il est accompagné de la même promotion pour Jean Paul II, dont les relations avec les Juifs, d’une tout autre nature, sont incomparables avec l’attitude de Pie XII. Un assemblage semblable avait déjà été opéré pour la canonisation de Jean XXIII et Pie IX.
Les réactions fusent de toutes parts. Un communiqué de l’AJCF ne devrait pas tarder, mais sans attendre, nous pouvons exprimer sur le site de l’AJC de Lyon notre déception et notre tristesse. Du côté juif, une indignation compréhensible ne s’est pas fait attendre. Du côté chrétien, en particulier catholique, les membres de l’AJC ressentent non seulement un malaise, mais un réel désaccord ; nous souhaitons que les Juifs puissent faire la différence entre un courant marqué par des sympathies traditionnalistes, et favorisé par le pape, et les nombreux chrétiens ouverts à une autre dimension. Le courant de fond initié par Vatican II, et en particulier par Nostra Ætate, est malmené, mais il est toujours présent et agissant.
Comme beaucoup le notent, cette décision du pape est pour le moins prématurée ; les historiens réclament que soit achevée l’ouverture, voulue par Jean Paul II, de toutes les archives. Cependant, même sans ce nécessaire complément d’informations, ce que nous connaissons aujourd’hui de l’attitude de Pie XII nous permet de douter sérieusement de « l’héroïcité de ses vertus » en ce qui concerne sa réaction au massacre systématique dont le peuple juif était victime et sur lequel il était fort bien informé. (L’ouvrage de Jean Dujardin, L’Église catholique et le peuple juif. Un autre regard, est une mine de renseignements, à laquelle on peut puiser en attendant, souhaitons-le, une mise au point précise et documentée sur cette douloureuse question).
Les obstacles sur la route sont faits pour être traversés et renversés. Baisser les bras, c’est leur donner raison. C’est pour cela que l’Amitié Judéo-Chrétienne a plus que jamais sa raison d’être.
Source : site de l’AJCF de Lyon